La question musulmane en Côte-d'Ivoire (1893-1939)
par JEAN-LOUIS TRIAUD
Lorsque la France, à la fin du xixe siècle, rassemble sous son autorité les éléments de ce nouveau territoire qui va devenir la Côte-d'Ivoire *, les musulmans sont presque inexistants en Forêt et dans la savane baoulé, minoritaires dans le nord du pays. On pourrait donc croire que la Côte-d'Ivoire est, par excellence, l'une des colonies où la musulmane ne se pose pas.
La réalité est plus complexe. Avant même l'occupation française, un processus d'islamisation était en cours sur les bordures de la Forêt (dans PAno et au nord du pays gouro, par exemple) 2. Les foyers musulmans du Nord, liés commercialement aux régions productrices de kola (pays agni et gouro) exerçaient sur les marges forestières une influence diffuse : par le moyen des amulettes et talismans, et du « maraboutage », les musulmans habituaient déjà les chefs traditionnels à leur présence, obtenant même quelques conversions (comme dans l'Ano).
Le rôle de Samory, par contre, que l'on invoque volontiers à ce propos, fut beaucoup plus médiocre 3. En dépit de son titre, l'Almamy
1. Un décret du 10 mars 1893 érige la Côte-d'Ivoire (alors limitée à la zone en colonie autonome. Samory est fait prisonnier le 29 septembre 1898 : les régions du Nord seront rattachées à la Côte-d'Ivoire peu après.
2. Cf. J.-L. Triaud, « Lignes de force de la pénétration islamique en Côte-d'Ivoire », Revue des études islamiques, sous presse.
3. « L'influence du conquérant paraît avoir été nulle. Le seul conquérant qui aurait pu agir dans ce sens est, en effet, Samory, mais soit qu'il eût étouffé le zèle religieux, qui l'animait au début de ses conquêtes, et l'incitait, disait-il, à les soit que pourchassé par nos troupes et astreint à de perpétuels il n'eût pas le temps nécessaire pour s'occuper de conversions, Samory fit peu pour l'Islam dans les milieux fétichistes, Senoufo, Abron ou Koulango... », Paul Marty, Études sur l'Islam en Côte-d'Ivoire, Paris, E. Leroux, 1922, 496 p., p. 99. Voir aussi : Yves Person, Samori. Une révolution dyula, Dakar, I.F.A.N., t. III (sous presse).
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Rev. franc, d'hist. d'Outre-Mer, t. LX1 (1974), n° 225.
